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HISTOIRE ABRÉGÉE D’UN DOMAINE

" LES FONDS "

AUX CONFINS DE VELAY, GEVAUDAN ET AUVERGNE

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L'entrée actuelle coté route.

 

Entrée du domaine

  • I. INTRODUCTION ET SITUATION
  • (PÂQUES 1940) cf.note

    " En remontant le chemin qui conduit à une fontaine qui sourd d’un tronc sommairement équarri et fiché dans le talus, nous sommes accueillis par les maîtres actuels du domaine, le père et la mère Béringer, lui tout sec et tordu par les ans, elle, largement plantureuse, ainsi que par deux de leurs enfants, un vigoureux garçon et une gracieuse jeune femme. Ils nous ouvrent cordialement les portes de leur maison, comme tout à l’heure, ils ouvriront pour nous celles de leurs placards bien garnis, pour en sortir des mets succulents.

    François Béringer qui naquit aux Fons,cf.note y succéda à son père. Celui-ci après le court intérim de quelques passants, y avait creusé son sillon à la suite de celui des Michel....il y bâtit une maison qu’habite encore sa famille et qui, crépie en blanc, est d’un aspect banal. A côté, tranchant par leur teinte fauve, sont les bâtiments anciens, sinon primitifs. Ils forment trois côtés d’une cour, dont le quadrilatère était jadis fermé par un portail au fronton de pierre, maintenant écroulé. Son arc de granit qui gît sur le sol porte le millésime de 1826.Sur le côté gauche, c’est une vaste étable à plusieurs ouvertures voûtées ; l’une d’elles est ornée, à son cintre,Qui saura nous sigifier ces armoiries ? d’un écusson daté de 1696 et couronné de quatre fleurs de lys.(voir la photo )cf.note

    La couronne vicomtale

     

     

    A droite, c’est la maison d’habitation des Michel. C’est une solide bâtisse presque carrée, construite en pierre volcanique du pays, noires ou rougeâtres, largement serties de blanc par des lignes de chaux... la fenêtre inférieure de gauche est surmontée d’une pierre sculptée en cintre d’un joli mouvement, avec double cannelure, et porte inscrit : 1784. C'est à peu près ainsi que les visiteurs virent la maison, ils l'idéalisent un peu car elle est celle des contes de leur enfance raconté par le grand père Sauveur Michel !!

    C’est la plus ancienne des dates que l’on retrouve dans la maison en divers endroits, et qui marquaient sans doute les modifications successives, près de la porte : 1881.

    A l’intérieur, au rez-de-chaussée, on entre d’abord à droite dans la cuisine, large pièce au plafond à la française dont les poutrelles sont finement moulurées. Le sol est pavé de dalles. Le tablier, timbré de 1818, d’une cheminée monumentale (voir photo ci contre) occupe tout le mur de droite, et, si l’on entre parmi ses chenets, on voit en haut le ciel dans la fente enfumée. Devant la fenêtre se trouve une sorte de table de pierre creusée en cupule et percée d’un trou ; on dirait un évier ; c’est un " potager ", ou fourneau à charbon de bois pour les grillades.

    De la cuisine, on accède de plain-pied à la cave. On y remarque un double crochet, en forme de hameçon, fixé au plafond à hauteur d’homme. Le père Béringer nous affirme, avec geste à l’appui, qu’il servait à pendre des hommes par le menton ; mais il est probable qu’on y pendit plus de cochons. A gauche une pièce en mauvais état, avec un lit-placard dans le mur côté pré. A côté, une sorte de réduit mène à un escalier s’enfonçant dans le sous-sol, celui-ci est plein d’eau.

    Au premier étage se déploie la chambre des maîtres, fort belle pièce entièrement recouverte, et comme coffrée, de boiseries moulurées. Dans le mur, face aux deux fenêtres sur la cour, des placards rayonnés, et entre ceux-ci, deux lits-placards, larges et profonds ; de solides couples seraient à l’aise dans le moule de la lignée des Michel ! Cette pièce, encore intacte, donne une impression de confort et même de luxe rural qui contraste avec la tenue sommaire de tant de logis paysans de nos jours.cf.note Elle permet facilement d’imaginer l’aisance où se mouvaient la vie des maîtres-laboureurs de jadis. "

    Cet extrait de l’ouvrage "  Autour de grand père " rédigé par l’un des descendants de l’illustre famille des " Michel ", Lucien Michel, en 1941, nous montre à quel point l’histoire des familles peut être ancrée à celle des maisons. Lui même ne vécut pourtant jamais à Les Fons, ni même son grand père à qui est dédié cet ouvrage, Sauveur Michel des Fons (c’est ainsi qu’il aimait à se faire appeler) qui né en 1822 ne put jamais aboutir son rêve de racheter l’ancien domaine familial.

     

    Ce domaine des Fonds connu depuis une origine certes incertaine, comme nous allons le voir, mais en tous cas avérée depuis le 16ème siècle n’a guère appartenu qu’à deux lignées, les Michel des Fons (jusqu’en 1827 )cf.note et les Béringer (depuis 1850).

    C’est peu et c’est en même temps l’occasion de survoler la petite histoire, les bonheurs, les malheurs attachés à des murs qui n’auraient, à cause d’un triste épisode de succession et d’indivision, jamais dû connaître le nouveau millénaire. Mais Marie Louise (née Béringer) et Raymond CHABANON ne pouvant se résoudre à voir disparaître une si belle bâtisse rachetèrent la maison à l’une de leur tante propriétaire.

    Car le domaine des Fonds vaut avant tout par cette bâtisse décrite plus haut par Lucien Michel et non par ses terres qui, on le verra, causèrent son abandon prématuré dans les années 70, années du développement du machinisme agricole. Vous constaterez sur les photos ci après dans quel état mes parents reprirent la maison en 1974 ( soit moins de trente ans après la visite évoquée ci dessus d’un domaine en pleine activité en 1940) et mesurerez le travail accompli pour rendre à cette demeure son cachet de toujours, c’est à dire en respectant les souvenirs de ceux qui la connurent encore habitable.

    Au delà de cet épisode qui faillit lui être définitivement fatal, nous allons survoler quelques uns des autres événements attachés à cette maison et montrer que si les objets inanimés n’ont pas d’âmes, il est des maisons qui refusent obstinément de mourir.

    Ainsi, le nombre de dates incroyablement diverses auxquelles fait allusion l’auteur dans son descriptif n’est-il que le témoin des nombreuses reconstructions de la ferme à la suite d’incendies " plus ou moins volontaires ".

    la maison ancienne en 1940

    Il faut tout d’abord situer le lieu pour comprendre l’intérêt de la maison et les raisons de son existence tumultueuse.

    Situer n’est rien si l’on ne tente aussi de définir son nom qui, à lui seul, est révélateur des nombreuses histoires qui lui sont attachées (I).

    Le nom des maisons, par ailleurs est comme on le sait bien dans nos campagnes bien plus important que le nom de ceux qui les habitent En devenant le symbole de leur fierté, il devient à la fois le motif de toutes les jalousies et parfois même de toutes les vengeances .Cela n’est jamais démenti aux FONDS, particulièrement dans l’histoire mouvementée de la famille " Michel "(II) dont une des figures emblématiques :  la " Mère Michel " avait eu l’effigie sculptée dans une pierre de support du toit qu’on appelle un " corbeau " cf.note et qui disparut lors de la ruine temporaire de la maison après la deuxième guerre. Après les Michel donc et leur histoire " glorieuse ", c’est au tour d’une famille plus modeste d’origine de s’installer aux FONDS , les Béringer (III) .Il y habitèrent d’abord beaucoup, y exploitèrent un domaine qui compta jusqu’à 61 Hectares au moins cf.note puis des partages successifs le divisèrent en parts multiples. Ils y habitèrent alors moins pour s’en aller définitivement (du moins le croyaient ils) en 1947 le laissant en fermage. Mais c’est en définitive le progrès et son machinisme qui faillit signer son acte de mort alors qu’aujourd’hui (IV) c’est ce même progrès destructeur qui sous sa forme la plus improbable : le temps libre et le développement des locations et villégiatures qui lui a permis de renaître sous des cendres que les passions n’avaient pas fini d’attiser depuis la Révolution Française.cf.note

    Tout d’abord, situons le lieu :

    Voici comment M. Coudert cf.note nous décrit en des termes aujourd’hui désuets, mais toujours agréables à lire, la situation de ce qu’il appelle non pas le domaine mais le " Mas des Fonds " :

    " Le mas des Fons est situé à l’extrémité nord-ouest de la commune de Saint-Privat d’Allier, au milieu d’une riche plaine qui se termine côté ouest par d’abruptes falaises de roches dominant l’Allier à une hauteur imposante. Du côté nord-est , il est protégé des vents par la montagne boisée qui s’étend de Rochegude vers le ravin de Bergougeac ; Il est largement exposé au midi.

    Il a toujours fait partie de la paroisse de Saint-Privat d’Allier mais relevait de la justice et du mandement de Rochegude, même paroisse dont le donjon ruiné et son exquise petite chapelle romane domine encore les villages de La Ribeyre de Saint-Privat. " ... et l’auteur d’émettre une hypothèse non vérifiée (le sera t-elle un jour ?) "Je ne suis pas loin de croire que les Fons ont appartenu primitivement à l’un des ordres religieux et militaires des templiers ou des chevaliers de Saint Jean de Jérusalem qui avaient de grandes possessions dans le voisinage de Saint-Privat. "

    rochegude une forteresse vestige d'un passé medieval

    Quant à Lucien Michel, il vous conduit ainsi au domaine à partir de Saint-Privat : "  la route elle, sinue doucement à travers le village et passe devant l’hôtel Barry-Chambon, relais traditionnel. Elle continuera pour vous si vous le désirez, sa course en lacets, grimpades et dégringolades, qui vous porteraient bientôt en terre auvergnate cf.note , par Monistrol et Saugues.

    Mais le coin des Michel est moins distant et pourtant plus secret. Un mince chemin y mène, qui lâche le village en montant tout d’abord raide au dessus des toits, puis s’amuse à des souples ondulations en hauteur comme en largeur, à travers des pins gris-bleus et de rouges terres de labour ; Tout à coup le petit chemin se détourne comme en sursaut, car devant lui se dresse, haut perché, Rochegude, squelette de la Maison qui jadis était suzeraine ici. Passant à distance respectueuse de la farouche ruine, il frôle familièrement de modestes hameaux, qui ont nom Conac et Conaguet, à la mode de ce pays où ce préfixe patronymique est commun cf.note ; Encore un détour : la colline s’étale maintenant en large éperon, avant de buter contre la forêt où, jusqu’à ces dernières années, s’arrêtait le petit chemin ; Celui-ci se terminait aux Fons et cela suffisait à sa gloire ; désormais plus ambitieux, il sera route nationale de Langeac à Langogne cf.note"

     

    Quant à moi, je vous dirais plus prosaïquement que le décor pour l’accès aux Fonds n’a pas changé fondamentalement, simplement, la route qui y conduit, déserte l’hiver, est assaillie dès les premiers beaux jours par les amateurs de plus en plus nombreux d’eaux vives qui relient Monistrol d’Allier à Prades. Magnifique, cette route de corniche qui surplombe en certains endroits à mi-pente la vallée sauvage de l’Allier de plus de 100 mètres (et reste dominée d’autant par les contreforts du massif de la Durande à l’aplomb du village de La Roche) peut aussi devenir un lieu de désolation totale lorsque le brouillard matinal monte le long de la pente pour s’installer durant de longues heures. Le jour vrai ne fait alors que de brèves apparitions avant que la nuit ne tombe prématurément du fait de l’ombre des premières pentes du Gévaudan qui à l’ouest recouvre la vallée à l’aplomb du village (un temps oublié) de Pont-Gibert.

    Ces jours là, l’austérité de la bâtisse ancienne s’en trouve encore renforcée et il faut garnir d’énormes morceaux de bois la cheminée monumentale pour trouver une seule raison pour habiter là ou bien y être né ce qui est presque le cas de Marie Louise Chabanon, l’actuelle propriétaire, qui y vécut ses 4 premières années.

    Si le moyen de s’y rendre ne pose pas question car il n’y a au final qu’un seul accès, au contraire, le nom du lieu a souvent varié au gré des relevés cadastraux et autres archives privées évoluant avec le nom de la famille propriétaire des Michel qui peu à peu se firent appeler d’Esfons cf.note se conférant ainsi sur l’état civil si ce n’est une noblesse (nullement avérée) une référence à leur racine sentimentale.

    II. UNE ÉTYMOLOGIE INCERTAINE.

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